MEDITATON PASCALE DU 8eme JOUR
« Le soir venu, portes verrouillées par peur, Jésus vint ; il était là, au milieu d’eux » Huit jours plus tard … Thomas était avec eux, Jésus vient portes verrouillées.
Aussi simple que cela, la rencontre avec le Ressuscité ! Comme l’écrivait le jésuite Jacques GUILLET, « Le Christ ressuscité demeure pauvre ! ». Il ne fait pas de coup d’éclat « devant tout le peuple » ; Il vient simplement, Il s’invite en quelque sorte, dans le cénacle verrouillé de ses « amis » désemparés. Amis ? Drôles d’amis ! Je veux parler de ceux qui l’avaient abandonné au jardin ou au tribunal. Le soir ! au moment où les angoisses reviennent quand on est enfermé dans la solitude de sa cellule, de son EHPAD, de sa peur de mourir étouffé par les mauvaises nouvelles du jour. Jésus vient le soir : Lui n’abandonne pas ceux qui L’ont abandonné ! Il vient passer la nuit avec eux. Il est là, au milieu d’eux. Tout simplement. Comme Marie était là (stabat) au pied de la Croix ! Une qui n’avait pas abandonné…la foi !
« La paix soit avec vous ! ». Merci, Jésus ! On en a bien besoin ; on n’est pas fiers de nous, par rapport à Toi. Et on a la peur au ventre par rapport aux juifs ! Après ce qu’ils t’ont fait, que va-t-il advenir de nous ? On croit rêver ! mais c’est bien Toi. Tu nous montres les stigmates de vendredi, sans qu’on te demande rien d’ailleurs. Mais tu nous connais : tu sais les questions qui trottent dans nos têtes : après tous ces événements, dans cet espace confiné, ne sommes-nous pas victimes d’une hallucination collective ? On n’a pas de psy sous la main. C’est donc bien Toi, en chair et en os. Le même qu’avant … et pas tout à fait quand même. Bizarre !
« La paix soit avec vous » : une deuxième fois ! Comme si ça n’avait pas marché la première. Il y a tellement de peur, de trouble, de culpabilité, de mort dans cet espace confiné. Voici que Tu souffles sur nous comme pour nous redonner la Vie, nous recréer. C’est merveilleux, cette vie nouvelle ! Tu nous donnes ton Esprit Saint, ton Souffle Saint et tu nous envoies remettre les péchés, comme Toi-même as été envoyé par ton Père, nous dis-tu. Alors là, c’est trop fort ! Nous les morts, par la trahison, l’abandon, la peur, tu nous fais vivants, c’est déjà beaucoup : on est sauvés ! Mais tu nous fais sauveurs avec Toi par l’Esprit reçu, en étant chargés du pardon et de la miséricorde à répandre partout !
« Huit jours plus tard », on est toujours là, enfermés. On ne peut pas croire à ce que tu nous as dit il y a une semaine. Et on n’a toujours pas de psy pour « analyser les phénomènes psychiques dus au confinement » qu’on nomme dans notre ignorance « hallucinations » ou « délire mystique ». C’est d’ailleurs l’un de nous absent dimanche dernier, Thomas, qui nous a fait douter de la réalité de ce qui s’est passé. Il est bien un peu psy, ce Thomas ! Il a la tête sur les épaules. Il faut que tu reviennes Jésus, mais cette fois quand Thomas sera là. Alors, on pourra croire et sortir de l’hallucination et du délire !
« La paix soit avec vous ». Ça recommence. Mais pas tout à fait comme dimanche dernier ! Sans qu’il ait le temps de demander à effectuer les contrôles visuels et tactiles de ton identité (en prison, on appelle cela, la fouille !), Jésus, Tu t’offres à lui, Thomas. Il est tellement retourné qu’on ne sait même pas s’il t’a touché. Il a poussé son cri de foi, son cri de joie : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». Pour le coup , lui, il est prêt à être déconfiné, à sortir porter le pardon partout, sans masque de protection, contagieux de la joie de cette rencontre inouïe. Dans huit jours, il ne sera sûrement plus là.
Et nous ? Heureux de croire sans avoir vu ? Mais il y a tant à voir en ces jours. Du malheur, de la souffrance, de l’angoisse, de la mort ? Oui. Mais aussi de petits signes de résurrection posés par d’humbles humains, au nom de leur foi en Dieu, de leur foi en l’homme, de leur foi en l’homme-Dieu. Mais souvenez-vous : le Christ ressuscité demeure pauvre !
P. Jean-François Penhouët, Mission de France
Aumônier national de prisons
Évry 16/04/20
(avec l’aimable autorisation de son auteur)